Le six juillet deux-mille-quatre, Monsieur T. poignarde sa femme de cinq coups de couteau. Pourquoi ? Lui-même ne le sait pas. Emmené à l’hôpital psychiatrique de Villejuif, le diagnostic tombe : il a la maladie d’Alzheimer. En faisant vibrer les mots du roman d’Olivia Rosenthal récompensé en 2007 par le Prix Wepler-Fondation La Poste, Mathieu Touzé nous emmène dans une vertigineuse plongée dans le processus de perte, de la mémoire et de la raison. Dans une atmosphère presque médicale imprégnée de la création vidéo de Justine Emard, l'éblouissant comédien hors des normes Yuming Hey est Monsieur T., ses accès de démence et de lucidité, mais aussi sa femme, en lutte pour ne pas disparaître. Son univers mental se dessine au plateau à travers les projections, les voix qui le traversent et la musique enveloppante de Rebecca Meyer ; sa vie se reconstruit doucement, guidée par une imagination foisonnante et sans limites.
« Des fois, ma mémoire chavire. C’est comme un trou noir
à l’intérieur duquel je sais qu’il y a quelque chose
que je devais chercher. Je ne me souviens plus quoi,
mais il y avait là, dans le trou, quelque chose et ce quelque chose
me manque. C’est bizarre d’éprouver le manque de
quelque chose qu’on ne connaît pas. »
Extrait
D’après On n’est pas là pour disparaître d’Olivia Rosenthal © Éditions Gallimard
Mise en scène et adaptation Mathieu Touzé
Avec Yuming Hey
Musique live Rebecca Meyer
Avec la voix de Marina Hands, de la Comédie-Française
Création vidéo Justine Emard
Assistanat à la mise en scène Hélène Thil
Lumières Renaud Lagier et Loris Lallouette
Création Septembre 2021 Théâtre 14, Paris (75)
Production Collectif Rêve Concret
Coproduction Théâtre de Sartrouville et des Yvelines, Centre dramatique national / Théâtre 14
Projet soutenu par le Ministère de la culture – DRAC d’Île-de-France
Ce qu'en pense la presse
Télérama
"Grosse claque que ce texte d'Olivia Rosenthal, adapté au théâtre par Mathieu Touzé."
SCENEWEB
"Bouleversante plongée dans l’esprit tourmenté d’un malade d’Alzheimer…"
Autour du spectacle
Avec le Collectif Rêve Concret qu’il cocrée en 2012 avec d’autres artistes, dont le comédien et metteur en scène Yuming Hey, Mathieu Touzé développe une double ligne artistique : la démocratisation sociale du théâtre par la rupture des conventions de sexe et de genre et le traitement de sujets liés à l’inclusion ; et un principe d’excellence en lien profond avec le monde contemporain, notamment avec une forme de désorientation, de saturation due à un trop plein d’informations. Mathieu Touzé reconnaît volontiers que l’inventive et ingénieuse écriture d’Olivia Rosenthal, sa langue fluide et précise, sont pour lui comme un refuge. Alors qu’il travaille sur Une absence de silence, une adaptation du roman Que font les rennes après Noël ? qu’il crée en mars 2021 à La Ménagerie de verre, il rêve d’On n’est pas là pour disparaître : lui apparaissent précisément tout ce qui constitue le spectacle présenté, le texte, le seul en scène, Yuming Hey, les écrans vidéo, Justine Emard, et même la voix off. Ce qui l’intéresse particulièrement, c’est le feuilletage des discours, le travail sur les niveaux de langage, mais aussi le fait d’entrer dans la langue du malade, que ce ne soit pas lui qui s’efface, mais sa vie d’avant, et que « la page blanche de la mémoire effacée se (réécrive) à l’infini. (…) Monsieur T. redécouvre chaque jour, comme pour la première fois, les prémices de l’amour. » Une vie palimpseste.
Pour sa prochaine création, une adaptation de la pièce de Jean Genet Les Bonnes, il entrera à nouveau dans un espace mental, celui cette fois de Claire et Solange, dont l’existence en vase clos laisse une grande place à l’imagination et à sa puissance salvatrice.