La saison dernière, j’ai posé une question aussi vitale que politique aux étudiant·es du master écritures de Dijon : que peut la littérature aujourd’hui ?
La Semaine des écritures contemporaines organisée du 02 au 07 décembre, est l’occasion d’inviter et de questionner mes camarades auteur·rices sur le même sujet. Car cette interrogation permet d’ouvrir d’autres champs de réflexions.
Quelles sont les lectures, les textes, les mots entendus, qui ont présidé à leur désir d’écrire ? Changez-vous quelque chose du monde en écrivant ? Quelle est votre plus grande émotion littéraire ? Dans un monde où lire et écrire semblent être des vestiges d’un ancien monde, quel pouvoir peut-on attribuer à la littérature dans nos vies ?
Autour de différentes manifestations où le public est invité : Les Nuits d’Orient et d’ailleurs, Les Lundis en coulisses, Préambules – une soirée de découverte littéraire et une soirée où les Auteur·rices (se) racontent – la Salle Jacques Fornier devient pour quelques jours le foyer des auteur·rices.
Dans ma jeunesse, j’ai été puissamment marqué par la lecture de certains textes dits théoriques écrits par des écrivain·es : Julien Gracq (En lisant en écrivant), Marguerite Duras (Écrire), Romain Gary (Pour Sganarelle) James Baldwin (La prochaine fois, le feu), Virgina Woolf (Journal d’adolescence). Je les lisais comme on ouvre un grimoire magique en espérant que quelque chose de leur essence infuse en moi…
Découvrir le pouvoir de la littérature, c’est comme se rendre compte qu’on possède les clefs d’un royaume invisible. Chaque livre porte en lui la clef du grand mystère. Chaque poème peut agir comme un éclair dans la nuit de l’époque. Les paroles des chansons sont parfois aussi puissantes que des prophéties. Les mots prononcés avec la singularité de l’accent et la grammaire réinventée de mon grand-père roumain m’ont donné la certitude que la littérature est partout. Pas simplement dans les bibliothèques érudites mais aussi dans les bouches des immigré·es. Le texte de théâtre, c’est l’écriture de la voix. La voix humaine invente des silences, des pudeurs, des étrangetés. Écrire pour le théâtre, c’est se livrer à cet exercice paradoxal qui consiste à faire croire que l’écriture n’existe pas… Que les acteurs et les actrices inventent ce qu’iels disent. C’est un jeu de funambule périlleux pour celle ou celui qui écrit : être présent·e tout en disparaissant.
Kevin Keiss
Auteur-dramaturge associé au projet de la direction